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Mini-Entreprise L

Championnat 2020 : Ti'Bazar Vert - Collège Simon Lucas

Dimanche 15 septembre 2019
Réunion
Alimentation
Développement durable
Visuel du site Ti'Bazar Vert

Ti'Bazar Vert

La classe de 3ème Prépa-Métiers et la classe d'ULIS ont souhaité créer un poulailler et un potager (afin d'éviter de perdre les déchets alimentaires de la cantine) : les restes se voient ainsi "recyclés" pour nourrir les poules et alimenter un composteur qui produit un engrais naturel pour le potager. Les mini-entrepreneurs, lauréats du prix Collège du Championnat régional EPA Réunion 2020, vous racontent leur expérience.

De l'idée à la mini entreprise

C'est au début du mois de septembre 2019, au retour de 3 jours de randonnée à travers les cirques de Salazie, Mafate et Cilaos, que naît l'idée de l'entreprise. Cette sortie avait plusieurs buts pour Pascal BAUVIÈS, le professeur de la classe 3ème Prépa-Métiers :
- d'abord la cohésion de groupe et apprendre à se connaître, tant les professeurs que les élèves, en passant du temps ensemble hors du cadre scolaire, 
- le retour vers le plaisir des choses simples, loin des habitudes de la vie quotidienne et du cocon familial, en profitant des paysages de La Réunion, de moments d'échanges et de convivialité partagés autour d'un repas traditionnel,
- ensuite, la volonté, pour les professeurs, de nous faire redécouvrir le goût de l'effort à travers la marche dans des conditions parfois difficiles pour certains élèves peu habitués à cette activité car ils nous trouvaient trop sédentaires, surprotégés par nos famille et "collés" aux écrans et aux réseaux sociaux toute la journée.
Nous avons avancé ensemble, été solidaires dans les difficultés. Nous avons aidé les plus fragiles en partageant de la nourriture et en portant les sacs de certains camarades. A notre retour, nous avons d'abord eu l'idée d'ouvrir un gîte, puis un snack, avant de nous lancer dans une « ferme » en suivant la proposition de Dorian, fils d'agriculteur. Ce retour à la terre, aux choses simples et naturelles était une prise de conscience certes, mais également le fruit d'un travail initié depuis plusieurs années : nous avions déjà été sensibilisés aux problèmes environnementaux et de gaspillage alimentaire lors du concours No Gaspi que le collège avait remporté 2 ans auparavant. C'est donc assez naturellement que nous avons souhaité créer un poulailler et un potager afin d'éviter de perdre les déchets alimentaires de la cantine : les restes se verraient ainsi "recyclés" pour nourrir les poules et alimenter un composteur qui produirait un engrais naturel pour le potager.

L'équipe

Il a d'abord fallu répartir les rôles dans l'entreprise en fonction des envies et des aptitudes de chacun. Les discussions ont parfois été longues avant de décider à qui attribuer tel ou tel poste en fonction du profil, du CV, de la lettre de motivation et de l'entretien.
DIRECTEUR : Dorian
COMPTABLES : Sunny, Noan, Lucas, Cyril, Idriss
COMMERCIAUX : Matys, Kélian, Ivana, Naomie, Anabelle
CHARGES DE PRODUCTION : Chloé, Noah, Hugo, Thomas, Elvina, Sony, Senji, ivana, Mickaël, Rohan, Melissa, Emmanuel, Romain, Loana, Nelsy, Benji, Cecilia
SECRETAIRES, ADMINISTRATIF : Lorenza, Clarissa, Léane, Briana
COMMUNICATION : Maurine, Mélanie, Naïssa, Larissa

Les produits

En attendant que les artisans viennent au collège pour établir des devis de construction du poulailler, nous avons réfléchi aux légumes que nous pourrions cultiver avec Mathieu DUCRET, le professeur de la classe d'ULIS : il fallait des produits caractéristiques de La Réunion, assez rustiques pour résister aux conditions climatiques et à notre inexpérience, et capables de donner assez vite et en quantité suffisante.
Après de nombreuses discussions auprès des agents du collège et des professionnels en jardinerie, nous nous sommes tournés vers les piments, les bringelles (les aubergines) et le manioc. Les tomates-cerises ont également été évoquées mais nous avons choisi de les réserver pour la seconde phase de notre production.

Les objectifs

Comme nous l'ont expliqué nos professeurs, les objectifs ne devaient pas être que financiers. 
Nos objectifs :
- Proposer des produits naturels, traditionnels de l'île de La Réunion, sans engrais chimique, sans technique d'élevage intensif. "La qualité plutôt que la quantité".
- Recycler et éviter le gaspillage : d'abord parce que ce sont des valeurs qui nous tiennent à coeur quand on sait que plus du tiers de la population de La Réunion vit en-dessous du seuil de pauvreté, ensuite parce-que cela constitue des économies pour notre entreprise qui n'a pas besoin d'acheter de la nourriture pour les poules (ou peu).
- Créer une entreprise viable, c'est-à-dire obtenant suffisamment de bénéfices pour être autonomes, sans dépendre de « subventions » du collège.

Les freins rencontrés

Planter des légumes demande certaines connaissances et compétences, une expérience et un outillage spécifique. Quels légumes planter ? Comment ? Où ?
Pour le poulailler, cela a été très compliqué. D'abord, parce-que l'administration a tardé avant de nous donner son autorisation. Il fallait évaluer l'emplacement qui ne devait pas être trop près des cuisines, mesurer les distances réglementaires, vérifier les conditions d'hygiène et de sécurité, envisager l'attrait pour les nuisibles et les risques de maladies, déterminer la nourriture autorisée à être donnée aux poules…
L'autre frein a été la recherche du professionnel pour réaliser les travaux : en octobre, nous avons contacté 3 maçons qui ont mis du temps à venir et à établir les devis. Nous avons perdu plus d'un mois. Ensuite, les tarifs qu'ils annonçaient étaient complètement hors budget ! 7000 euros et même 10.000 euros pour un abri de 4 m² et un enclos de 10 m² ! Finalement, en décembre, nous avons décidé, un peu à contre-coeur, d'accepter un devis de 2500 euros. Mais l'artisan nous a informé qu'il ne pourrait pas réaliser les travaux avant janvier car c'était les vacances du bâtiment. Au final, il n'est jamais venu car entre-temps il avait accepté d'autres chantiers…
Et puis il fallait trouver des poules pondeuses… Où ? Quand ? Nous avions peu de contacts à l'exception des jardineries qui n'en avaient pas et ne savaient pas quand elles en recevraient.

Moyens mis en place pour y remédier

Le potager a été le premier à voir le jour en octobre : les autorisations ont été données très facilement et les produits demandaient peu de logistique, juste de la main d'oeuvre. Avec 30 élèves volontaires et motivés dont certains filles et fils d'agriculteurs, bêcher la terre a été un jeu d'enfant ! Par contre, il fallait trouver des produits typiques de La Réunion, adaptés au climat, assez rustiques pour résister au soleil, à la chaleur, à la pluie, aux cyclones et à notre inexpérience… Mais aussi capables de donner assez vite et en quantité (avant le mois d'avril).
Nous avons dû prendre des précautions pour la sécurité des travailleurs : tenue adaptée (chaussures de sécurité, pantalons de travail, casquettes, crème solaire), consignes de sécurité pour travailler avec la pioche et la bêche. Notre parrain, Christophe RALLU, directeur de SAE, nous a énormément aidé en nous fournissant des bottes, des gants, des casquettes, des tee-shirts...
Nous avons désherbé à la main, bêché la terre puis planté des piments et des bringelles (aubergines). Le manioc est ensuite venu compléter ces essais.
Le poulailler a tardé à voir le jour. Finalement, après de longues discussions avec les responsables académiques, et après la lecture et la prise en considération des textes réglementaires, notre Principale nous a donné son accord au mois de décembre.
Des professionnels devaient le construire, mais entre les tarifs excessifs des maçons et les délais de mise en oeuvre - fin janvier -, nous avons décidé de construire nous-mêmes notre poulailler.
L'argent du concours No Gaspi a permis d'acheter les matières premières : nous avons coulé une dalle en béton avec l'aide d'un professeur du lycée professionnel Roches Maigres de Saint-Louis. Tout le monde a découvert les joies de la maçonnerie et a pu faire l'expérience de tourner le béton, filles comme garçons, avec une pelle, une truelle ou les mains... Puis nous avons creusé, coulé de nouveau du béton et planté les piquets de clôture du parc, que nous avons décidé de faire plus grand que prévu : 40 m² au lieu de 10. Plus tard, nous avons fixé le grillage et les agents du collège ont réalisé une porte. Enfin, nous avons construit l'abri à poules en récupérant des palettes grâce au père de Lucas, en les fixant à la dalle et en vissant une tôle comme toiture.
Nous avons créé des perchoirs, des nids pour pondre et installé les mangeoires et abreuvoirs.
Le gestionnaire du collège et les agents ont été d'une aide précieuse : toujours disponibles pour commander et aller chercher du matériel ou nous donner un coup de main. Si nous avons réussi, c'est grâce à eux, grâce à un travail d'équipe et un dialogue permanent et des échanges constructifs car nous nous sommes appuyés sur les compétences des uns et des autres.
Nous avons aussi bénéficié des visites et conseils de Christophe Rallu, notre parrain, chef d'entreprise de SAE, qui avec son regard expert nous a permis de mieux nous organiser, nous structurer, améliorer notre efficacité et nous fournir en matériel de sécurité.
Il ne manquait plus que les poules… C'est alors que notre Principale, Murielle Subrero, a entendu parler du site adopteunepoule.re qui proposait d'acheter des poules pondeuses réformées de la ponte en batterie. Nous faisions ainsi une bonne action en donnant une seconde vie à ces poules et suivions notre ligne de conduite de "recyclage". Début mars, nous avons récupéré les 12 poules issues de l'élevage intensif et âgées d'un an et demi environ. Nous avons été très surpris de voir l'état dans lequel elles se trouvaient : déplumées, amaigries, avec des difficultés à marcher, la crainte de l'air libre et de l'homme, restant terrées dans l'abri et refusant de sortir, ne connaissant pas la vraie nourriture - elles passaient à côté de la salade et du riz sans les regarder... Des fantômes de poules, à l'article de la mort !

Se faire connaître

Nous avons bien sûr d'abord diffusé l'information dans notre collège en distribuant des flyers, en passant dans les classes pour présenter notre entreprise, en communiquant via la page Facebook du collège ou en envoyant des messages par Pronote, l'interface collège-parents-élèves.
Pour aller plus loin, nous avons ensuite écouté et suivi les conseils de notre parrain, Christophe Rallu, directeur de SAE Réunion, et de Nicole Imiza, responsable d'EPA Réunion, afin de nous faire connaître au-delà des murs du collège. Nous avons alors créé un logo pour avoir une identité marquée et reconnaissable immédiatement ainsi qu'un site internet où serait résumé notre projet illustré de photos.

Résultats

Finalement, au niveau du potager, les piments se sont avérés être une vraie réussite : ils abondent et demandent peu d'entretien, juste enlever les mauvaises herbes et arroser. Les aubergines ont donné mais assez peu de pieds ont été plantés. Quant au manioc, il est très fourni mais plus long à donner. Ces plantations, résistantes et rustiques, ne craignent pas grand-chose.
Nous avons appris que les légumes adaptés à l'environnement et à la terre poussent avec une attention quotidienne, un désherbage manuel et surtout sans pesticide ni engrais chimique.
Quant aux poules, elles ont pondu tout de suite quelques oeufs : 2, 3 ou 4. Assez peu car elles ne mangeaient et ne buvaient pas beaucoup au début. Et puis, elles en écrasaient parfois un en restant terrées à l'intérieur. Quelques semaines après, avec de la vraie nourriture, un environnement adapté et des soins attentifs, les poules ont complètement changé d'attitude : elles gambadaient, étaient vives, aimaient être dehors et profiter du plein air, avaient grossi, se jetaient sur les épluchures de légumes... De vraies poules ! Elles sont devenues sociables, accourant lorsqu'on arrivait, venant au contact, caquetant, se laissant câliner. Elles se sont mises à pondre davantage, entre 8 et 10 oeufs par jour ! Aujourd'hui on les sent heureuses. Cela nous conforte dans notre choix de leur avoir donné une deuxième chance et une nouvelle vie ! Non seulement nous avons fait une bonne action mais en plus les poules ont été opérationnelles presque de suite, alors qu'avec des poussins il aurait fallu attendre les premiers oeufs durant au moins 4 mois.

Bénéfices

Si on parle « argent », aucun bénéfice financier n'a encore été réalisé grâce au potager. Le manioc n'a pas encore été récolté, les bringelles ont très peu donné, quant aux piments, nous attendons d'en avoir suffisamment pour réaliser de la pâte piment et la vendre.
Concernant le poulailler, la vente de 6 oeufs chaque jour nous rapporte 2 euros quotidiennement minimum. Quelquefois davantage mais jamais moins. En un peu plus de deux mois, nous avons gagné environ 150 euros. Une partie de l'argent a été réinvestie pour acheter du grain car pendant le confinement le collège était fermé et la cantine ne fonctionnait pas. Les restes de cuisine que nous apportions de temps en temps ne suffisaient pas.
Nous avons encore un reliquat du concours No Gaspi car en réalisant les travaux nous-mêmes, nous avons divisé les coûts du devis le moins cher par trois !

Retours d'expérience du point de vue personnel et professionnels

Si on parle maintenant des bénéfices, tant personnels que professionnels, ils sont très nombreux !
Nous avons d'abord pu créer notre première entreprise et nous rendre compte que ce n'était pas si facile que cela… Mais c'est NOTRE entreprise et nous y sommes attachés ! Nous avons été capables de nous mobiliser en dehors des heures de cours, pendant le week-end et les vacances. Nous avons aussi su nous adapter, montrer nos ressources et surmonter les difficultés rencontrées, parfois en improvisant.
Ensuite, nous avons vu le fonctionnement d'une entreprise. Le choix et la répartition des postes n'a pas été simple : certains s'imaginaient directeur ou commerciaux mais cela ne correspondait pas à leur profil…
Travailler ensemble est parfois compliqué : on a appris à s'écouter, échanger, faire des concessions, argumenter des choix ou en abandonner certains qui nous tenaient à coeur. Prendre des décisions n'est pas toujours facile…
Nous avons donc appris à travailler en équipe, à inclure différents partenaires avec leurs compétences propres :
- Les élèves d'ULIS, porteurs de handicap, ont participé avec nous du début à la fin,
- Les agents du collège nous ont conseillés et aidés dans la réalisation de la clôture du poulailler,
- Les enseignants de différentes disciplines ont participé à la construction et géré le poulailler pendant le confinement,
- Les professionnels, comme notre parrain, Christophe RALLU, chef d'entreprise, nous ont apporté son expertise sur la gestion d'une entreprise.
Nous avons aussi découvert d'autres corps de métiers que les séances de Découverte Professionnelle au collège ne nous avaient pas permis de connaître, comme la maçonnerie, la comptabilité ou la vente.

Pour en savoir plus, regardez la vidéo que nous avons présentée lors de la sélection pour le Championnat régional EPA Réunion!

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Vos témoignages
Ce n'était pas facile mais on est allés au bout et on est fiers de nous. Merci. 
Photo Jonathan Gerbith
GERBITH JONATHAN
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